Transports torrides (Ginette Fanfiole)
Nous étions partis pour Vénus dans deux capsules séparées, convenances obligent, mais néanmoins synchrones, histoire de ne pas nous perdre de vue. Le port spatio-temporel était un dédale impénétrable et pour des novices tels que nous, des arrivées décalées étaient à coup sûr le meilleur moyen de nous perdre à jamais.
Cerise était trop jolie pour que je prenne le risque de l’égarer à une époque indéterminée. A vrai dire, nous avions de tout autres égarements en projet. Aussi nous traversâmes le cosmos de concert dans une élégante ellipse avant de nous poser sur le dôme des arrivées. Le contrôleur nous demanda nos passeports, ce qui était pure rhétorique étant données les circonstances. Pour tout passeport, l’apostrophe de ce fonctionnaire dans la langue de Voltaire serait bien suffisante.
Cerise parlait français couramment, émaillant ses phrases en véranglais de gallicismes tout à fait savoureux dans ce contexte inattendu. La seule évocation d’une gelée à pierre fendre nous aurait ouvert les portes de n’importe quel four, mais l’utilisation courante du français était un véritable sésame sur Vénus. Les autochtones n’avaient pas oublié comment le spationaute Eric Dupont leur avait rendu la joie de vivre en atténuant les feux trop ardents du soleil sous les bulles salvatrices d’un Champagne rosé de caractère seul capable de régénérer leurs cerveaux altérés.
Une pléthore de bulles flottaient d’ailleurs dans l’atmosphère de la planète, faisant écran aux rayons trop brûlants. Vénus était devenue une planète pétillante et pleine de gaieté. Cerise salua le fonctionnaire appliqué et tendit ses deux mains en coupe pour recueillir quelques gouttes du précieux liquide qui pleuvait.
« Je bois à votre santé et à celle de tous les Vénusiens assoiffés, déclama-t-elle avec emphase dans l’oreille du douanier. Que votre chemin ne soit pas trop chaud, que votre soleil ne soit pas trop ardent. Souhaitez-nous bonne chance, si nos analyses sont bonnes nous allons nous marier. Seul un syndrome de politique du pire aurait pu nous mettre en échec, mais le Champagne aidant, l’optimisme était de rigueur. Notre union fut célébrée.
Le voyage n’était pas terminé. Après le vol Terre-Vénus, c’était l’embarquement pour Cythère.
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