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Autour des mots
7 novembre 2006

Irish coffee (Pati)

J'avais découvert ce blogueur tout à fait par hasard. Diariste de talent, ses mots avaient conquis mon esprit curieux des autres et de leurs vies... La sienne semblait emprunte de sérendipité et de sagesse. J'aimais l'ambiance feutrée et délicieusement surannée de son journal, une allure un peu vieille France, emplie de classe et d'élégance... Je m'imaginais un personnage très charmeur, sûr de lui, beau même... Après avoir échangé quelques mails, nous avions décidé de nous rencontrer et ainsi faire mieux connaissance autour d'un irish coffee brûlant. Qui sait, notre rencontre tournerait peut-être l'oaristys de mes rêves secrets ?

J'arrivais la première dans l'estaminet bondé et enfumé. Je choisis une table un peu à l'écart des gens massés autour du comptoir. Je profitai de mon avance pour observer la foule à loisir... Observer les gens a toujours été un de mes passe-temps favori. Ce piratage discret de leurs petites personnes n'en finit pas de me surprendre et de combler amplement mon inspiration littéraire.J'y pioche des phrases entendues à la volée, qui, sorties de leur contexte initial, s'imprègnent de poésie surréaliste. Là par exemple, voyez ce petit bonhomme, engoncé dans son pardessus fripé, une écharpe amplement enroulée autour de son cou qui lui masque tout le bas du visage... il semble perdu et fragile, parmi ces trublions de comptoir, ces grandes gueules avinées qui ne le voient même pas, tant il semble se fondre dans le décor... Il se tient au plus près du zinc, comme une rainette accrochée à son nénuphar un jour de grand vent. Je vois bien qu'il essaie désespérément de se faire remarquer par le serveur mais celui-ci ne le voit pas. Va-t-il oser parler plus fort ? Crier peut-être ? Il est si petit qu'il vaudrait mieux qu'il saute à petits bonds pour que le serveur le remarque, pensé-je, un poil moqueuse...
Mais non, il reste planté là, son verre vide à la main, l'autre pauvrement levée comme à l'école... Ah enfin, il est remarqué ! Eh bien? Qu'attend-il pour parler ? Mais ça alors ! Le voilà muet comme une carpe ! On dirait... mais oui, il hésite ! Je tend l'oreille, tentant de percer ce pataquès phonique des bruyantes conversations alentour... Ah en effet ! Quel dilemme... boire un demi ou un irish coffee ? au bar ou assis ? Ma parole il est atteint d'aboulie ou quoi ?

D'un coup, cela surgit à mon neurone éteint : irish coffee ! Non, ce n'est pas... non, impossible ! comment ce pauvre type pourrait être mon écrivain de salon ? Mais pourtant, le voilà qui me regarde. Aïe ! Il me sourit timidement ! Sans préambule,  une violente altercation éclate entre mes jambes et ma politesse : les premières ne songent qu'à se mettre en branle immédiatement et filer à l'anglaise et l'autre me souffle que "ça ne se fait pas" ! Les traits de mon visage se voilent d'horreur souriante, oxymore approximatif de mon désarroi profond... Le voilà qui se met en branle, son pardessus flottant autour de lui comme les ailes d'une chauve-souris miteuse. Je suis coincée !

Magnanime, mon neurone tranche le différent qui m'étouffe. La politesse gagne et c'est avec la rage au ventre et le coeur déçu mais un sourire serein aux lèvres que je lui tend la main.

rappel de la consigne ==> ici

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Commentaires
P
merci à toi dino :)<br /> <br /> et... pour info... je ne touille jamais mon café ! ;)) je le prend noir, et serré :op
D
@Pati...Dans un autre commentaire je t'avais demandé de ne pas trop...pati"touiller" ton café. J'avais hâte de lire ton texte sachant que tu écris bien et que tu maîtrises le français mieux que plusieurs Français... Ce que je ne savais pas est que tu nous préparais un tel "irish coffee", bien qu'il n'ait pas besoin d'être touillé. Merci et félicitations.
C
H'bésitez pas à noter vos commentaires. Le maquillage des mots à besoin d'un reflet dans le miroir et en plus ça fait toujours plaisir à l'auteur, peut-être vous ;-)
C
"Il se tient au plus près du zinc, comme une rainette accrochée à son nénuphar un jour de grand vent" mdrrr<br /> Ton imagination me consterne. Ton texte est triste et amusant à la fois, merci pour ce bon moment de lecture.
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