De l'abus qui vous isole (Maureen MQuinn)
Une nuit noire était tombée sur la petite ville, le bar allait fermer… Elle avait passé sa soirée à danser entourée des plus affamés du coin. Il m’a bien fallu trois minutes pour l’attraper et nous dégager de cet empyreume délétère. Je l’ai poussé jusque dans la rue alors qu’elle braillait tel le veau qu’on égorge. Ca l’avait rendue dingue que j’abrège une nouvelle fois encore et au corps ses badineries. Et cette fois là visiblement, elle avait tenu à marquer le coup…
Elle avait bu, beaucoup. Mais le froid et mes blâmes semblaient lui faire reprendre ses esprits. Et soudainement, elle me fît pivoter d’un quart de tour pour me placer face à la vitrine de brocanteur devant laquelle nous nous trouvions. Et je vis nos deux visages se regardant l’un l’autre dans ce miroir au teint terne et vieilli. Ses yeux ne cillaient pas. Les secondes qui s’écoulèrent ensuite furent si longues que je pus palper des dizaines de souvenirs oubliés… C’est alors qu’elle lâcha :
« Tout compte fait, tu as sans doute raison. Je ne sais pas me tenir, je n’ai pas de travail, je dilapide ton argent, je parle vulgairement, les hommes ne m’aiment que pour un soir, je fume et je bois trop, je n’ai même pas la moindre idée de ce que demain me réserve et j’ai bousillé ta vie comme le boulet écorchera toujours le bitume. Il est temps que tu renaisses … »
Elle m’a planté là, avec ses impétueuses politesses, la regardant traverser la rue jusqu’à sa voiture, plus à vif que jamais… Mes bras touchaient le sol. Elle démarra en trombe, les pupilles dilatées.
Le temps de lui emboîter le pas manqua de me faire perdre sa trace. Mais il n’y avait quasi pas de circulation et la nationale filait droit. Je l’apercevais à plusieurs dizaines de mètres. Elle roulait vite. Cigarette dans la main gauche. J’ai dû faire siffler le moteur pour revenir à sa hauteur.
Dès qu’elle me vit dans le rétroviseur, elle se cabra et alluma la radio. Beautiful day de U2 emplissait le vide alentour. J’avais l’impression que chaque note battait comme une pulsion cardiaque me ceinturant.
En voie de décomposition, je revins à sa hauteur, me plaçant sur la voie de gauche. J’hurlais :
« Ralentis Lili, je t’en supplie range-toi cinq minutes !… Lili s’il te plaît, sois pas plus bête que moi !... Tu peux pas conduire indéfiniment, tu sais même pas où tu vas ! »
Un froncement de sourcil après, elle bifurquait à toute bringue sur cette route détestable d’où déboula votre mari…
Ca a fait un raffut terrible… métallique et de verre brisé… un grondement tonitruant. Des étincelles s’offraient en festival pour qui voulait être abasourdi…
La suite, vous la connaissez déjà : le carnaval du néant, la myriade d’absurdités, la fin d’une ère… ou plutôt la fin du nerf…
Vous croyez que c’est un signe que je puisse rêver de votre mari alors que vous me ramassez dans un caniveau puant le malt les minutes suivantes ??!... Dites, vous allez me ramener n’est-ce pas ?
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