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Autour des mots
23 juin 2007

PLATONIQUEMENT VÔTRE ... (Dino le Céladon)

journalJe retrouve mon vieux journal vert et j'en profite pour traduire du grec quelques notes prises voilà presque un demi siècle (présentées ici en italiques), auxquelles j'ajoute mes souvenirs actuels....

   

26 X 57 Je suis inscrit au Gymnase de Maroussi, le premier lycée mixte d'Athènes. Devant moi, je ne vois que les tabliers noirs des filles, leurs petites têtes  blondes, brunes ou même rousses, toutes chouettes, leurs corps d'adolescentes commençant à se définir... Moi, nature éclectique, j'avais déjà choisi quelques unes, mais, plus spécialement, une frimousse bien mignonne, avec un grain de véritable beauté sur le coin des lèvres, les cheveux courts blond brun, menue et déjà parfaitement bien faite.

Pascale_petitElle ressemblait étonnement à Pascale Petit, du film "Les Tricheurs", de Marcel Carné, qui venait d'être présenté à Athènes. Je m'imaginais déjà dans le rôle de Jacques Charrier, jouant avec elle au fameux "jeu de la vérité" du film.  Roula K ... avait peu d'amies, elle était une étudiante exemplaire mais, très vite, j'avais su qu'elle adorait aussi la musique de l'époque, rock'n'roll, blues, etc. C'est ainsi que j'avais commencé à en tomber amoureux, en silence au début, plein de patience après, en lui parlant plus tard ... Un amour auquel elle n'était pas indifférente ... Sans jamais rien lui demander d'extraordinaire ... à part les quelques baisers et les quelques caresses innocentes mais réciproques, bien en vogue à l'époque ... Un amour qui continue bien vivant, malgré les quelques 50 ans passés, malgré mon premier  mariage, mon veuvage, mes autres mariages, mes divorces postérieurs, mes épouses, femmes, maîtresses, concubines et petites amies que j'ai eues pendant mes voyages de par le monde...

ESTIAJ'habitais Paradissos (voir mon texte LA CUITE), près de Maroussi où se trouvait notre école, pas trop loin de chez elle. Je visitais souvent sa maison à Mangoufna, cette banlieue d'Athènes qui maintenant s'appelle Kato-Pefki, où nous assions des heures à écouter nos musiques préférées sur le tourne-disques, les rock'n'roll de Presley, de Jerry Lee Lewis et de Bill Haley, à danser (en catimini) cheek-to-cheek des blues (You are my destiny, My prayer, The great pretender, de chanteurs comme les Platters, Paul Anka, etc.)  Souvent, quand son père, M. Nikos, rentrait de son travail (il était linotypiste chez ESTIA, le journal conservateur par excellence, photo) nous échangions des idées sur des thèmes sérieux (littérature, histoire, religion, politique), en sirotant des petits vins résinés bien frappés. D'autres fois, je bavardais avec son frère cadet, Yorgo (qui devait continuer la tradition familiale de la linotypie chez ESTIA) ... Des fois, pendant l'été, nous allions au cinéma en plein air, pas loin de chez elle, mais toujours accompagnés par sa mère, Mme Niki.  Mon (notre) grand délice, dans le noir, était de lui (nous) tenir la main (toujours en cachette évidemment),  jusqu'au moment où la sueur dégoulinait de nos paumes ...   C'est ainsi que se terminât 1958 ...

PROMESSES

C'était un crépuscule,

septembre 14, le jour de

la Sainte Croix,

et la terre encore humide

par la dernière averse d'automne.

Nous étions assis près l'un de l'autre,

sur des fauteuils de plage

appuyés contre le mur de la terrasse.

Je lui ai pris la main, je l'ai serrée,

et, puisque c'était un jour de fête,

chacun de nous énumerait,

les cadeaux qu'il pensait faire:

La ville d' Athènes (m'a-t-elle offert).

Tout le monde autour (j'ai proposé).

Ma vie entière (m'a-t-elle promis).

Mon âme immortelle (je lui ai dit).

Mais ce que nous ne pensions pas

c'est que nous n'étions que des enfants.

04 IV 59:Je vis...j'aime le monde, j'aime l'univers, j'aime la vie, j'aime Roula...Tu peux vivre, mon pauvre fou, vivre pour elle, vivre pour la Vie, pour tout le monde! Ce grand amour, entre ces deux coeurs, est né pour l'éternité. Une fillette, de 17 ans, aux yeux si doux, aux lèvres comme des cerises écarlates, une fraîcheur printanière, plus brillante que le propre soleil, un fruit pratiquement mûr avant l'heure ... il me suffit de toucher sa main parfaite pour que mon être entier commence à trembler et que de folles idées envahissent mes pensées. 

07 VIII 59: Le même chemin connu, celui qui mène chez elle, celui de la Joie et/ou de la Tristesse (...) Ce nétait qu'un rêve doré ... 

14 IX 59:  TETELESTAI (*) ... Il y a pas mal de temps que je me suis trouvé près du bonheur, que je l'ai presque frôlé. Maintenant, je tombe, je tombe dans le goufre pour arriver à l'autre bonheur, celui du mensonge et de l'hypocrisie. Allez, mon pote, hue! Cours vers la vie de la bêtise. 

Fin '59, j'étais parti. Presque 2 ans de voyages, études, boulots: Yougoslavie, Italie, Suisse, France, Angleterre, Espagne ... J'ai connu plein de gens, j'ai fait beaucoup d'amis et d'amies dont la plupart je devais perdre pour toujours et d'autres, très peu nombreux, qui me resteraient bien fidèles. Finalement, il était temps de rentrer en Grèce (voir mon texte SEGOVIA) ...

23 VII 61: Je suis allé visiter Roula ... 

26 VII 61: Hélas! Le rêve n'a pas été oublié. La grande Idée est toujours là, le soleil brille toujours comme jamais auparavant et moi, tel un faible papillon je me bats désespéré tout autour et je finis carbonisé.

10 VIII 61:  Aujourd'hui: Le seul jour de ma vie qui vaudrait la peine d'être vécu de nouveau.  Roula m'aime. Pendant tout le temps que je m'étais absenté, elle n'avait pas cessé de penser à moi. Et moi, donc? Est-ce que j'avais cessé de penser à elle, de l'aimer? Jamais, mon petit coeur ... Reste avec moi, mon ange, reste pour toujours, je t'aime ... 

MethanaJe retrouve entre les pages jaunies de mon journal le brouillon d'une lettre que je lui avais envoyée aprés une excursion "en famille" de deux jours sur Méthana (photo), une ville balnéaire à quelques km d'Athènes. Il y avait aussi une photo dont malheureusement je n'ai plus trouvé la trace, mais je me souviens parfaitement de notre groupe: Madame Niki, sa mère, son frère Yorgo, ma soeur Rita, mon ami espagnol Gerardo (voir SEGOVIA), elle et moi.

30 VIII 61: Tu as pleuré mais tu ne m'as pas dit pourquoi; tu m'as embrassé mais tu ne m'as pas dit pourquoi; tu m'as caressé mais tu ne m'as pas dit pourquoi. Et moi dans tout ça? Je me trouvais aux nues, là haut, sans savoir si j'aurais dû te dire tout ce que je t'ai dit. Des mots d'amour, tu as dû sûrement en entendre pas mal. Peut être quelqu'un d'autre t'a dit aussi qu'il te voulait comme sa reine, qu'il t'adore, qu'il te dédie toute sa vie... Mais à ce moment là ce n'était pas moi qui parlais, c'était des mots sortis directement de mon âme. Des mots que je m'étais répété des milliers de fois, des mots  qui surgissaient de mon être, parce que toi, tu n'es qu'un autre morceau de moi-même ...

Pendant plusieurs jours, voir des semaines, n'ayant pas reçu de réponse et comprenant qu'elle évitait toute communication avec moi, sans en connaître la cause, j'étais encore parti en voyage, vers l'Allemagne, pour étudier l'allemand, la France (voir mon texte ÉTÉ 62), puis l'Autriche où, à la demande de mon père,  je devais étudier l'hôtellerie. Ne pouvant plus blairer la langue et la culture germaniques et ne voyant pas de futur pour moi dans les hôtels, j'avais décidé de rentrer à Athènes où j'étais arrivé nuitamment et où personne ne m'attendait plus. Évidemment, dès le lendemain de mon arrivée, j'avais téléphoné pour essayer de la voir. Elle m'avait dit que je pouvais aller chez elle mais que je ne pourrais pas rester longtemps. Ce fut son frère Yorgo qui m'avait reçu en me donnant un billet d'elle. Souvent, les manuscrits ont plus de force que les paroles...

22 XI 62: "Je t'en supplie, je te demande un peu plus de patience, pour lire ces quelques mots. Je sais que, pour toi, c'est la fin, que je t'ai fatigué beaucoup trop, que je t'ai fait du mal et que, de même, j'ai profité de l'amour et de la compréhension que tu m'as toujours donné. Pour tout cela, j'ai honte, parce que je n'ai jamais pu te rétribuer quoi que ce soit en échange. Ni même l'amour que je sens pour toi je n'ai été capable de l'exprimer pour que tu sentes combien il est grand. Je veux, pourtant, te demander un plaisir; il sera le dernier, je te jure. Si toi tu as perdu l'espoir, si tu veux cesser de m'aimer, je te prie de ne pas me défendre moi de cet espoir. Laisse-moi croire que, dès que je me séparerai, je pourrai courir te trouver. Et si, à ce moment là, je n'habite plus dans ton coeur je te promets de ne plus t'importuner."

C'est là que j'avais fini par comprendre qu'elle était déjà mariée. Maintenant que j'écris ces lignes, presque 50 ans après, je sais qu'elle ne s'est pas séparée. Et je sais parfaitement bien aussi que je ne l'ai jamais expulsée de mon coeur. Yanni M..., ancien radio de la Marine Marchande Hellénique, issu d'une très bonne famille historique, qui l'a épousée, un homme honnête, intègre et authentique, un vrai gentleman et très bon ami, qui lui a fait un fils, l'a respectée pendant toutes ces années, de la même façon que je les ai respectés aussi. Dans l'interminable tourbillon de ma vaine vie, pendant mes voyages dans tous les coins du monde, pendant mes amours ephémères ou mes longs mariages, à travers tous mes divorces et toutes les morts dans ma famille, les hauts et les bas financiers, les richesses et les catastrophes, je n'ai jamais cessé, ni même maintenant ces derniers temps que j'habite le Brésil, de lui téléphoner (toujours discrètement) de temps à autre pour avoir de ses nouvelles.

(*) Je n'ai pas traduit ce mot exprès. C'est du grec biblique alexandrin. À l'époque, je ne connaissais que sa simple signification historique "C'est fini".  Je n'avais pas la moindre notion de son contenu mystique comme présenté dans le Rituel Rosicrucien que je devais apprendre plusieurs années plus tard et qui s'aligne parfaitement avec ce que j'avais ressenti à l'époque en l'écrivant.

P.S. Au fait, en relisant mon texte, je vois que je devrais signer comme DINOleCÉLADON

L_Astr_e_C_ladon

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Commentaires
C
J'espère bien que tu reviendras... non mais des fois !!! ;-)))
D
Christine, ma vieille, merci. Les photos sont superbes, surprenantes. Je n'en attendais pas moins. Je reviendrai. Une bise.
C
Quelle magnifique histoire d'amour ! J'ai aimé l'association de la couleur de ton carnet aux rubans de Céladon,et par là même l'association de ce que tu as été au héros de l'Asthée. <br /> Je ne comprendrais jamais les hommes qui abandonne un amour tel que celui que tu as vécu même durant de nombreux voyages mais les moyens de communication de l'époque étaient loin de ceux d'aujourd'hui. Pourtant il semble que rien n'a changé si ce n'est que tu as toujours aimé cette femme, tout au long de ta vie, que tu ne l'as jamais oublié malgré d'autres vies, d'autres femmes... Est-ce cet amour platonique, non achevé, qui fait croître les sentiments au-delà du temps ?
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